Pour rappel, l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité Sociale pose le principe d’une présomption du caractère professionnel de toute lésion accidentelle dont la survenance aux temps et lieu du travail est avérée. Cette présomption peut être renversée par l’employeur si celui démontre que le sinistre litigieux revêt une cause totalement étrangère au travail. Appliqué au cas spécifique du malaise mortel, l’administration d’une telle preuve, revêtant par nature une dimension médicale, n’est pas sans poser une difficulté d’ordre pratique pour l’employeur qui ne dispose logiquement pas d’une vision exhaustive du passif médical de son collaborateur.
Dans le cadre d’un arrêt rendu le 11 mars 2022, la Cour d’Appel de Paris était justement invitée à se prononcer sur la caractérisation par l’employeur d’une cause totalement étrangère au travail suite au décès tragique d’un de ses collaborateurs à l’occasion du travail (Cour d’Appel de Paris – Pôle 06 ch.13 – 11 mars 2022 – n°18/03631). En l’espèce, lors d’un déplacement professionnel, un cadre commercial qui attendait son train sur le quai de la gare a subitement été victime d’un malaise associé à une défaillance d’ordre cardio-vasculaire ayant entrainé son décès. L’employeur qui avait fait état, dès le stade de la déclaration de l’accident, de l’existence d’importants antécédents médicaux très bien documentés, a judiciairement contesté la décision de reconnaissance du caractère professionnel du sinistre arrêté par la CPAM. La société requérante se prévalait notamment de l’existence manifeste d’une cause totalement étrangère au travail, étayée par la production d’un rapport d’évaluation professionnelle documentant très précisément le lourd historique médical du salarié (antécédents cardiaques significatifs) ainsi que par un avis médico-légal initié par l’entreprise concluant expressément à l’absence de tout rôle causal joué par le travail dans la survenance du décès au regard du passif de l’assuré et de sa situation objective de surpoids.
Eléments insuffisants pour renverser la présomption selon les juges du fond qui, dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation, retiennent que l’employeur n’établit pas la preuve d’une origine extraprofessionnelle du malaise mortel ni-même, et c’est encore plus préoccupant, ne justifie de la nécessité d’une mesure d’expertise médicale judiciaire sur pièces en vue de trancher cette question. Si l’interprétation de la notion de présomption d’imputabilité retenue par la Cour d’Appel de Paris était notoirement restrictive, le cas d’espèce est pour le moins déroutant dans la mesure où la solution judiciaire confine au déni de justice. En effet, le refus de mise en œuvre d’une expertise médicale opposé par la Cour d’Appel de Paris, malgré l’existence d’une question d’ordre scientifique et la dimension probatoire des nombreux éléments objectifs versés aux débats par l’employeur, rend en pratique totalement inopérant la possible démonstration par l’entreprise d’une cause étrangère reposant sur un état pathologique antérieur.
Cette jurisprudence illustre et fait écho à l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Poitiers en décembre 2017 qui avait retenu que l’employeur se trouvait, du fait des carences de la Caisse dans le cadre de l’instruction du dossier (et donc désormais du fait de la vision du juge du fond qui néglige l’intérêt de la mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire pourtant seule de nature à éclairer les débats), placé dans une situation de« preuve impossible à rapporter car il ne peut déterminer s’il existe un état pathologique évoluant pour son propre compte ou une cause totalement étrangère au travail » (Cour d’appel de Poitiers, 6 décembre 2017, n°16/02593).
Maxime THOMAS