Dans le cadre de la gestion des taux de cotisations AT-MP, les employeurs ont fait face à une évolution constante du droit positif s’agissant du caractère définitif des taux notifiés et de la prescription triennale des cotisations de sécurité sociale indûment versées.
Plus précisément, les caisses régionales d’assurance maladie (CRAM/CARSAT) ont initialement appliqué les dispositions de l’article R. 143-21 du code de la sécurité sociale aux termes duquel les recours de l’employeur doivent être introduits dans le délai de 2 mois à compter de la réception de la notification par la CRAM de sa décision concernant les taux d’accidents du travail. En pratique, les entreprises qui obtenaient une décision gracieuse ou contentieuse (CRA, TASS, CA…) se voyaient opposer le caractère définitif des taux si elles n’avaient pas contester ceux-ci à titre conservatoire à l’intérieur du délai légal de 2 mois. Autrement formulé, dans une telle hypothèse, les décisions d’accord obtenues étaient sans effet financier puisque sans impact sur le quantum des cotisations. Franchissant une étape supplémentaire, les Caisses ont par suite exigé que les titres conservatoires soient motivés c’est-à-dire visent nommément les sinistres intégrés dans le taux contesté et donnant lieu à recours, certains organismes de sécurité sociale allant même jusqu’à conditionner la recevabilité de la contestation conservatoire à la fourniture du recours et de son accusé d’enregistrement.
Mettant fin à ces pratiques matériellement contraignantes et juridiquement discutables, la Cour de Cassation, dans un arrêt de principe en date du 11 juillet 2002 (Cass. Soc. 11 juillet 2002, n° de pourvoi 00-17891) a considéré que le délai de 2 mois ci-dessus visé ne pouvait faire obstacle au principe d’effectivité des décisions de justice. Autrement formulé, en cas d’inopposabilité financière d’un sinistre suite à recours, les CRAM étaient contraintes d’accéder à la demande de rectification des taux y afférents indépendamment de la formulation d’une contestation conservatoire dans le délai. Ce dernier voyait donc logiquement son périmètre cantonné au contentieux technique de la tarification (Certaines CRAM indiquant expressément que les titres conservatoires n’avaient plus d’objet).
Dans le même temps, les URSSAF n’opposaient aucune prescription s’agissant des régularisations de cotisations découlant de la rectification des taux, probablement conscientes de l’inapplicabilité de cette disposition s’agissant d’une cotisation calculée par un tiers à l’entreprise. Par suite, la Cour de Cassation a entériné un changement radical des pratiques des URSSAF considérant que la prescription triennale concernait également les cotisations acquittées au titre des risques professionnels. Assezlogiquement, cette prescription était néanmoins interrompue par la formulation du recours individuel qui marquait le désaccord de l’employeur
Dans ce contexte, nombre d’entreprises, avec l’assentiment de leurs conseils, ont purement et simplement abandonné l’émission des titres conservatoires dès 2007.
Grave erreur au regard de la versatilité de la Cour de cassation qui, par jugement du 24 janvier 2013 (Cass. Soc. 24 janvier 2013, n° de pourvoi 11-22585), vient d’opérer un nouveau revirement en adossant la prescription triennale URSSAF aux taux de cotisations AT-MP, et, en estimant que seuls les titres conservatoires ont vocation à suspendre la prescription à l’exclusion des contestations individuelles :
« Et attendu qu’après avoir énoncé que, selon l’article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle les cotisations ont été acquittées et relevé que les taux majorés de cotisations accidents du travail avaient été notifiés annuellement à la société avec la mention des délais de recours, sans qu’il soit soutenu que ceux-ci aient été exercés, c’est à bon droit que la cour d’appel a, par ces seuls motifs, décidé qu’aucun élément ne permettant de fixer le point de départ du délai de prescription à une autre date que celle prévue par le texte précité et que la saisine de la caisse primaire, organisme social distinct de l’union de recouvrement n’était pas de nature à interrompre ce délai… ».
Ainsi, compte tenu des délais de traitement extrêmement (illégitimement?) longs gouvernant l’aboutissement des recours individuels (tant pour le contentieux général que médical), les employeurs ne peuvent s’exonérer des titres conservatoires s’ils veulent tirer économie des décisions gracieuses ou contentieuses. En tout état de cause, les entreprises et leurs conseils qui ont fait le choix d’abandonner les titres conservatoires à compter de 2007 risquent prochainement de grincer des dents en bénéficiant d’accords gracieux ou judiciaires sans impact financier voire en étant redressés pour les plus téméraires ayant pratiqué la compensation.