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FAUTE INEXCUSABLE DE PLEIN DROIT: DANGER SIGNALE

La faute inexcusable de l’employeur correspond au manquement de ce dernier à son obligation de sécurité révélé par un accident du travail ou une maladie professionnelle. L’employeur aurait dû avoir conscience du danger et n’a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir. La reconnaissance de la faute inexcusable résulte d’un accord amiable entre le salarié et son employeur ou, à défaut, d’une décision de justice. L’intérêt pour la victime est d’obtenir une majoration de sa rente et la réparation de ses préjudices, ce, à la charge de l’employeur.

Si la preuve de la faute inexcusable de l’entreprise incombe en principe au salarié, qui doit démontrer que l’employeur avait conscience du danger et qu’il n’a pas mis les moyens nécessaires en œuvre pour l’éviter, il existe néanmoins deux exceptions établissant une présomption :

  • En matière d’intérim et de CDD, quand le salarié n’ pas bénéficié de la formation renforcée à la sécurité.
  • Lorsque le danger a été signalé et qu’il s’est par la suite réalisé.

Si dans un arrêt en date du 8 juillet 2021, la cour de cassation a retenu une interprétation très littérale de ce dernier principe, en considérant que l’agression physique du salarié consécutive à la réception d’une lettre anonyme de menace portée à la connaissance de l’employeur fonde le jeu de la présomption pour danger signalé, elle vient nuancer cette approche par un nouvel arrêt (Cass. Civ. 2e, 5 janvier 2023, n°21-11.939) dans le cadre duquel elle considère que la simple information de l’employeur par voie de courriels de la victime faisant état de relations conflictuelles avec la hiérarchie ne constituent pas le signalement au sens du texte susvisé.

 » Selon l’article L. 4131-4 du code du travail, le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé.

L’arrêt relève que les courriels adressés par la victime à la responsable des ressources humaines de l’entreprise, faisant état de ses relations conflictuelles avec sa hiérarchie, confirmées par le rapport du comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail, ne constituent ni le signalement d’un risque ni une alerte. Il retient qu’il n’est pas établi que la victime aurait adressé à sa hiérarchie ou à sa responsable des ressources humaines des informations de nature à justifier que soient prises des
mesures à défaut desquelles la société se serait trouvée en faute.

De ces constatations, dont il résultait que le signalement invoqué portait sur la nature conflictuelle des relations de la victime avec son supérieur hiérarchique, la cour d’appel a pu déduire qu’il ne correspondait pas au signalement du risque qui s’est matérialisé, de sorte que les conditions de la reconnaissance de plein droit de la faute inexcusable de l’employeur n’étaient pas remplies« .

FAUTE INEXCUSABLE : PRESCRIPTION

En matière d’accident du travail et de maladie professionnelle, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur peut être obtenue par la voie contentieuse devant la juridiction de sécurité sociale. L’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur (hors les pathologies amiante) est soumise aux règles de prescription fixées par l’article L. 431-2 du CSS. Il résulte de ce texte que l’action se prescrit par 2 ans à compter :

  • soit de la date du sinistre (date de l’accident ou date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle) ;
  • soit de la cessation du paiement des indemnités journalières.

Le plus récent de ces événements doit être retenu.

Il convient également de noter que le délai de prescription est interrompu par :

  • l’exercice de l’action en reconnaissance du caractère professionnel du sinistre.
  • l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits.

Complétant ces dispositions législatives, la cour de cassation dans un arrêt du 7 juillet 2002 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 juillet 2022, 20-21.294) considère que l’action prud’hommale engagée pour les mêmes faits interrompt également la prescription. Dans cette affaire, le salarié réclamait la résiliation judiciaire de son contrat de travail en qualité de victime d’un harcèlement moral de la part de son employeur. Autrement formulé, il réclamait l’indemnisation d’un préjudice résultant d’un événement reconnu par la CPAM comme accident du travail (a priori des propos humiliants). La cour en déduit que « De ces constatations et énonciations, dont il résultait que les deux actions tendaient, au moins partiellement, à seul et même but, la cour d’appel a exactement déduit que l’action prud’homale engagée par la victime avait interrompu la prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.  »

Ce principe permettra certainement à de nombreuses victimes de lancer des actions en faute inexcusable a priori prescrites.

ENTRETIEN DISCIPLINAIRE ET FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR

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En vertu de la présomption d’imputabilité introduite par la loi de 1898, toute lésion corporelle survenue au temps et au lieu de travail constitue un accident du travail engageant la responsabilité de l’employeur, sauf à ce dernier à démontrer une cause totalement étrangère.

Initialement conçue pour des accidents reposant sur une lésion physique objective, la présomption d’imputabilité a été galvaudée par la prise en compte jurisprudentielle du malaise indéfini et de la lésion psychique autrement plus subjectifs.

Depuis lors, fréquentes sont les déclarations d’accident du travail fondées sur un entretien professionnel jugé psychologiquement perturbant par les salariés.

Dans une récente affaire, un salarié revenant d’un arrêt maladie est convoqué cinq jours après la reprise de travail à un entretien disciplinaire. Jugeant insistante la tonalité du directeur d’établissement menant l’entretien, le salarié a été victime d’un malaise ayant donné lieu à transport aux urgences. Cet événement a donné lieu à déclaration d’accident du travail et à qualification professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie. Non content de cette reconnaissance, le salarié a saisi la justice d’une action en faute inexcusable de l’employeur afin d’obtenir une majoration d’indemnisation. Si la cour d’appel a donné gain de cause au salarié en relevant « le caractère «insistant» du directeur d’établissement, au point que le salarié a demandé que cet entretien soit écourté et que, s’il ne peut être retenu que le responsable hiérarchique aurait tenu des « propos déplacés », pour autant le risque induit par cet entretien disciplinaire, mené dans ces conditions, sur un salarié psychiquement fragile exposait ce dernier à un risque sur sa santé dont l’employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience« , la cour de cassation a cassé ce jugement (Cass. chambre civile 2 Audience publique du jeudi 28 novembre 2019 N° de pourvoi: 18-24161 )   pour « insuffisance de motifs à caractériser la conscience qu’avait ou devait avoir l’employeur d’un danger auquel était exposé le salarié. »

Se fondant sur l’absence de conscience du danger, la cour de cassation renforce en pratique le principe selon lequel l’événement qui relève des relations normales de travail (voire conformes au code du travail) devrait échapper à la qualification professionnelle, et, à tout le moins à la faute inexcusable.

Cette tendance mérite d’être accentuée dans un contexte où l’employeur est de plus en plus démuni pour assumer ses attributions managériales et disciplinaires.

Il convient que les magistrats et les pouvoirs publics s’interrogent sur l’opportunité de maintenir la présomption d’imputabilité en matière de lésion psychique, présomption qui donne lieu à de trop nombreuses situations d’abus de droit.

FAUTE INEXCUSABLE-MP: EXPOSITION CHEZ PLUSIEURS EMPLOYEURS

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La Cour de cassation (Cass. Civ. 2 15 juin 2017 n°16-14.901) retient une interprétation extensive de la présomption d’imputabilité en matière de maladie professionnelle en considérant qu’elle a vocation à s’appliquer à l’ensemble des employeurs successifs ayant exposé le salarié au risque quand bien même la pathologie aurait été instruite au contradictoire du seul dernier employeur.

Elle casse ainsi un arrêt de cour d’appel qui avait à tort posé le principe selon lequel l’action en faute inexcusable d’un collaborateur à l’encontre d’un précédent employeur supposait la démonstration préalable par le salarié d’un lien de causalité entre la pathologie et l’activité au sein de cette entreprise.

Elle ouvre néanmoins la possibilité à l’ancien employeur de contester toute imputabilité malgré la reconnaissance finale du caractère professionnel de la maladie.

Cette approche très rigoureuse de la présomption d’imputabilité devrait selon nous conduire les CARSAT à davantage d’imputation au compte spécial s’agissant de la tarification AT-MP.

 

 

AT-MP: MISE EN CAUSE DE LA RESPONSABILITE DE L’ETAT PAR L’EMPLOYEUR

 

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Par deux arrêts en date du 9 novembre 2015, le Conseil d’Etat consacre la possible mise en cause par l’employeur de la responsabilité des pouvoirs publics lorsque ces derniers ont commis une faute ayant concouru à la survenance de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle.

Ce principe permet à l’entreprise d’obtenir une prise en charge de la réparation allouée aux victimes ainsi que l’indemnisation de ses préjudices propres, même en cas de faute inexcusable, dès lors qu’elle n’a pas commis délibérément  une faute d’une particulière gravité.

Dans l’affaire impliquant les CMN (N° 342468), la responsabilité de l’état a été reconnue pour tiers. Pour étayer cet arrêt, le Conseil d’Etat relève « qu’il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu’ils manipulent ou avec lesquels ils sont en contact, et d’arrêter, en l’état des connaissances scientifiques et des informations disponibles, au besoin à l’aide d’études ou d’enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers« … Sur ce fondement, le Conseil  a estimé que l’Etat avait commis une faute en n’édictant pas de législation suffisamment contraignante en matière d’amiante pour la période antérieure à 1977. L’entreprise a notamment été indemnisée des préjudices constitués par l’augmentation de ses taux de cotisations AT-MP ainsi que par les condamnations financières pour faute inexcusable.

Ces arrêts ouvrent une véritable brèche dans les possibilités de mise en cause de la responsabilité de l’autorité publique en matière de risques professionnels dans la mesure où elles ne se limiteront probablement pas au cas de l’amiante.

 

 

 

 

FAUTE INEXCUSABLE: CONTESTATION DU SINISTRE PAR VOIE D’EXCEPTION

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Si, depuis le 1er janvier 2010, les notifications de prise en charge du caractère professionnel des AT-MP acquièrent un caractère définitif à l’endroit de l’entreprise en l’absence de contestation à l’intérieur du délai de forclusion de 2 mois, ces dispositions n’empêchent pas l’employeur de remettre en cause le caractère professionnel du sinistre ultérieurement dans le cadre d’une action en faute inexcusable.

C’est ce que confirme la cour de cassation dans un arrêt du 5 novembre 2015 publié au bulletin.

 

 

FAUTE INEXCUSABLE ET RECHUTE D’ACCIDENT DU TRAVAIL

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Lorsqu’un accident du travail est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime peut demander à ce dernier la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale mais également de l’ensemble des dommages subis du fait de cet accident qui ne sont pas couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale.

Dans un arrêt du 22 janvier 2015 publié au bulletin, la cour de cassation précise les contours de l’indemnisation complémentaire en considérant qu’il convient également de réparer les préjudices occasionnés par la rechute du sinistre premier.

Rappelons à cette occasion que le coût de la rechute est désormais supporté dans le coût moyen du sinistre initial par les entreprises soumises à un régime de tarification mixte ou réel.

 

AT-MP: FAUTE INEXCUSABLE ET INDEMNISATION DES PREJUDICES COMPLEMENTAIRES

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Le régime des accidents du travail est critiqué car l’indemnisation accordée aux victimes n’est que partielle et forfaitaire (en dehors de l’hypothèse d’une faute intentionnelle de l’employeur).

Le Conseil constitutionnel, saisi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles L. 451-1 et L. 452-1 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale, n’a ni remis en cause le caractère forfaitaire de la rente, ni consacré le principe de la réparation intégrale du préjudice causé par l’accident dû à la faute inexcusable de l’employeur. Toutefois, il a formulé une réserve sur la dimension limitative de la liste des préjudices complémentaires énoncés à l’article L. 452-3, en autorisant une indemnisation générale des préjudices non déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale (Conseil constitutionnel, 18 juin 2010, Epoux L. QPC n°2010-8).

Dans la lignée du Conseil constitutionnel, la 2e chambre civile de la Cour de cassation a jugé que les frais d’aménagement du logement, le déficit fonctionnel temporaire et les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ne sont pas au nombre des dommages couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. Dès lors, ils peuvent être indemnisés sur le fondement de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. En revanche, la Cour a retenu que les différents frais médicaux, la perte de revenus subie pendant l’incapacité temporaire, les pertes de gains professionnels, l’incidence professionnelle de l’incapacité et le déficit fonctionnel permanent étant au nombre des préjudices expressément couverts par le livre IV (au titre de la rente) ne peuvent donner lieu à indemnisation complémentaire.

Pour sa part, la chambre sociale semblait admettre une action en réparation intégrale devant la juridiction prud’homale

Dans une nouvelle affaire, un salarié a été licencié à la suite d’un accident de travail imputé à la faute inexcusable de son employeur. Ce salarié, qui a bénéficié d’une rente majorée, a demandé, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation de sa perte de droits à la retraite de base et à la retraite complémentaire.

La chambre mixte a considéré le 9 janvier 2015 que la rente majorée, qui présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation, couvre de manière forfaitaire la perte de droits à la retraite. La chambre mixte a aussi précisé que la rente réparait la perte de droits à la retraite, même lorsque cette perte était consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude. Ce faisant, elle a définitivement écarté la possibilité d’une indemnisation complémentaire devant la juridiction prud’homale.

FAUTE INEXCUSABLE: MODALITES DE PAIEMENT PRECISEES PAR LA CNAMTS

La circulaire CNAMTS N°11-2014 du 10 juin 2014 précise les nouvelles dispositions législatives concernant:

  • l’impossibilité pour l’employeur de se prévaloir de l’inopposabilité de la décision de prise en charge d’un sinistre tirée d’un vice de procédure pour s’exonérer des conséquences financières de son éventuelle faute inexcusable (disposition applicable aux actions en reconnaissance de la FI introduites devant le TASS à compter du 1er janvier 2013).
  • le recouvrement sous forme de capital représentatif de la majoration de rente en se référant au barème utilisé pour l’évaluation des dépenses à rembourser aux caisses en cas d’accident du travail imputable à un tiers. La circulaire précise que les caisses devront tenir compte des difficultés financières susceptibles d’être rencontrées par les employeurs pour se libérer de leur dette notamment lorsque ceux-ci ne sont pas assurés pour le risque de faute inexcusable tel que l’autorise l’article L.452-4 du code de la sécurité sociale. Dans ces circonstances, les caisses pourront dans un premier temps proposer, si l’employeur le demande, un échelonnement de la dette. Elles auront également la possibilité, en application des dispositions de l’article L.256-4 du Code de la sécurité sociale, de réduire la dette par décision motivée en cas de précarité de la situation du débiteur. Cette précarité sera considérée comme établie lorsque l’entreprise fait l’objet d’une procédure de conciliation de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Circulaire-CNAMTS-10-juin-2014

AT-MP FAUTE INEXCUSABLE: EVALUATION DU CAPITAL

renault-coupable-de-faute-inexcusableAntérieurement, en cas de condamnation de l’employeur pour faute inexcusable avec majoration de la rente d’incapacité ou de l’indemnité en capital attribuée à la victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, le complément d’indemnisation était récupéré par l’imposition à l’employeur d’une cotisation complémentaire due pendant vingt années au maximum. Au regard des difficultés de récupération de ces contributions par les organismes de sécurité sociale en cas de défaillance de l’entreprise, la loi du 17 décembre 2012 a substitué au principe de l’étalement du remboursement celui d’un versement immédiat sous forme de capital (texte applicable aux taux d’incapacité attribués à compter du 1er avril 2013).

Le décret du 8 janvier 2014 insère un nouvel article D. 452-1 au sein du code de la sécurité sociale précisant les modalités d’évaluation dudit capital qui seront fondées sur le barème des sinistres imputables à un tiers (Arrêté du 29 janvier 2013 fixant les règles de conversion selon la table de mortalité). Il dispose également que le capital sera recouvré simultanément et aux mêmes conditions que l‘indemnisation des préjudices extra patrimoniaux (Autrement formulé par tous moyens pendant 5 années). Un nouveau décret devrait finaliser le dispositif en supprimant la cotisation complémentaire prévue à l’article R. 452-1 du code de la sécurité sociale.